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Pourquoi existe-t-il des tensions entre monde rural et urbain ? (Part. 2/2)

zones humides

3. Des espaces ruraux adaptés à l’agriculture productiviste

En France métropolitaine, en 2020 les surfaces agricoles utilisées (SAU) représentent environ 27 Millions d’hectares soit 49 % du territoire national contre 56 % dans les années 80. La France a donc perdu environ 7% de sa surface agricole en une trentaine d’année.

Le foncier agricole

Les lois d’orientation agricoles de 1960 et 1962 ordonnent une modernisation de l’agriculture et cela passe par la restructuration du foncier. Les SAFER (société d’aménagement foncier et d’établissement rural) sociétés privées, placées sous le contrôle du gouvernement sont créées pour favoriser le remembrement agricole.

Agricole
Ville
Exode rural

Photographie aérienne comparative d’un petit village de la Marne de nos jours à gauche et du même village en 1950 à droite 
 

Deux constats en comparant ces photos. Tout d’abord, on observe une nette restructuration du parcellaire agricole entre les deux prises de vues. En effet, la photo de droite présente un parcellaire très morcelé, fait de petit lopin de terre. Ces petites parcelles correspondaient généralement à la surface journalière capable d’être traitée par un animal. Sur la photo de gauche les parcelles sont plus grosses et adaptées au matériel agricole moderne. En ce qui concerne la surface urbanisée, elle a peu ou pas évolué au cours des 60 à 70 années qui séparent les deux clichés.

L’exode rural

Les différentes périodes « d’exode rural » ont eu raison de la main d’œuvre. Alors que dans les années 80, trente millions d’hectares sont exploitées par 1,6 millions d’agriculteurs, en 2019, les 27 millions d’hectares sont exploités par seulement 400 000 personnes. La surface moyenne par exploitant agricole est donc passée de 19 à 67 hectares soit une augmentation environ 350 % en 40 ans.

Les hommes qui effectuaient des travaux laborieux à l’aide d’animaux de trait sont progressivement remplacés par des engins agricoles mécaniques. A titre comparatif les premiers tracteurs agricoles utilisés dans les campagnes françaises ont une puissance de 20 à 30 chevaux alors qu’aujourd’hui on retrouve régulièrement des tracteurs 10 fois plus puissants.  

Une fois que l’on a réglé le problème de la main d’œuvre et du foncier, il faut régler le problème des rendements.

La notion de rendement agricole

Découverte et testée depuis la fin du XIXème siècle, le XXème sera le siècle la chimie. Elle fait son apparition dans le domaine agricole dans les années 1950. Les problèmes liés aux attaques d’insectes et au développement des champignons sont ainsi maitrisés. Dès lors une augmentation qualitative et quantitative de la production s’opère et met fin aux carences alimentaires.

Tous les éléments sont réunis pour produire en quantité industrielle. La France devient alors la première puissance agricole européenne. Bien que présentant de nombreux déboires, il ne faut pas oublier que la mise en place d’un système agricole productiviste a permis à notre société, composée d’un nombre d’individus toujours plus important, de s’affranchir de la famine et de l’insuffisance alimentaire.

Production agricole
France
Céréales
Rendement agricole
Puissance européenne

En 2020, la production la plus représentée sur le territoire nationale est la production céréalière (blé, orge, maïs….), avec 32 % des SAU (Surface Agricole Utilisable). Viennent ensuite les surfaces toujours en herbe, pour 29 % des SAU. En troisième position, avec 11 % les prairies temporaires ou artificielles. On constate donc que 3 grandes familles de production agricole occupent 72 % de surface totale agricole utilisée.

Cette occupation des SAU a de grosses répercussions sur l’utilisation de produit phytosanitaire. En effet les « grandes cultures » que sont le blé, l’orge, le colza ou encore les betteraves et les pommes-de-terre utilisent entre 3 et 20 fois plus de produit phytosanitaire que les prairies temporaires ou permanentes.

Quand on connait le rôle que joue le glyphosate dans l’agriculture française, on comprend mieux les enjeux et les débats autour de son utilisation.   

4. L’expansion de la forêt dans les zones désertées par l’agriculture

Définition de la forêt selon l’IGN

La forêt est un territoire occupant une superficie d’au moins 50 ares avec des arbres pouvant atteindre une hauteur supérieure à 5 mètres à maturité in situ, un couvert boisé de plus de 10% et une largeur moyenne d’au moins 20 mètres. Elle n’inclue pas les terrains boisés dont l’utilisation prédominante du sol est agricole ou urbaine. Cette définition est celle adoptée au niveau international (F).

Le début du XIXème

Selon l’IGN (Institut national de l’Information Géographique et Forestier) la forêt couvre, en France métropolitaine, en 2020, 16,9 millions d’hectares, soit environ 30 % du territoire. Entre le début du XXème siècle et nos jours la surface forestière a augmentée de plus 70 %. L’origine de cette augmentation provient essentiellement de la déprise agricole dans les zones difficiles d’exploitation. Elle s’est donc principalement concentrée dans les massifs montagneux : Massif centrale, Alpes, Pyrénées, Vosges, Jura. Le Fond Forestier National est l’origine du reboisement de 2 millions d’hectares. Dans les zones de plaines, facilement mécanisables, la forêt a peu progressé voir même diminué.  

Cartographie
Reforestation

Photographie aérienne comparative de l’évolution de la forêt dans le secteur de Mende de nos jours à gauche et en 1950 à droite  

On constate en comparant ces deux photographies une nette progression de la forêt entre les deux prises de vue.

La forêt privée

A l’échelle nationale les trois quarts des forêts appartiennent à des propriétaires privés. La forêt publique, qui se répartit entre les forêts domaniales (1,5 million d’hectares) et les autres forêts publiques (2,7 millions d’hectares) ne représente que ¼ des forêts. Au niveau régional il existe de fortes disparités. Dans le Grand-Est ou en Bourgogne-Franche-Comté, la forêt publique représente 70 % des forêts alors que dans les Landes la quasi-totalité de la surface est privée.  

Les forêts privées sont rarement clôturées sauf dans certaines régions comme la Sologne par exemple. Cela signifie que, en France métropolitaine, un individu se promène en forêt profite le plus souvent d’une propriété privée pour laquelle il ne paye aucune location et sur laquelle il n’a aucun droit.

Les essences

En termes d’essences la forêt française est majoritairement feuillue. Avec ses différentes variétés, le Chêne est l’ambassadeur de l’espace forestier. Il représente 64 % du volume de bois sur pied. Les conifères eux constituent un stock de bois d’environ 1 000 million de m3. Les conifères, et notamment le Douglas, sont aujourd’hui décriés car généralement cultivés de manière monospécifique et industrielle.

chêne 
arbre 
essence
La Forêt Française

Culture de la forêt

De manière schématique, on cultive la forêt selon deux grands modes de sylviculture.

  • La sylviculture dite régulière, consiste à passer par une phase de coupe rase. L’ensemble des bois d’une parcelle sont enlevés pour faire place à la régénération naturelle ou à une nouvelle plantation.
  • La seconde méthode dite sylviculture irrégulière ou à couvert continu, ne passe jamais par la coupe rase sauf problème sanitaire majeur. Cette technique consiste à venir récolter de manière régulière quelques bois au sein d’une parcelle. Ces bois laisseront place à de la régénération naturelle. Cette deuxième méthode tend à se développer car elle est plus « douce » pour l’environnement et les espèces. Mais elle ne répond pas aux attentes des industrielles. 

Les utilisations des bois de la forêt française

Le bois produit dans les forêts françaises a schématiquement 6 destinations. Les feuillus de bonne qualité, sont principalement utilisés dans l’ameublement (parquet, cuisine, meubles divers, …) et leurs sous-produits servent pour faire de la biomasse (bois de chauffage ou bois énergie). Les conifères sont eux principalement utilisés dans la construction (charpente) ou dans l’emballage (bois à palette). Les sous-produits des conifères sont utilisés pour la pâte à papier, les panneaux de bois reconstitués ou les granulés. L’intérêt de produire du bois est de pouvoir in fine l’utiliser.

Aujourd’hui, les plus grosses scieries françaises sont équipées de matériels qui permettent de travailler uniquement des bois très standardisés. Elles se sont inspirées des modèles des pays germaniques et scandinaves afin de pouvoir être compétitif sur le marché européen et mondial. Du point de vue des scieurs, gérer les forêts en irrégulier est une aberration économique. Leur matériel n’est pas adapté pour cette production, il en va de même pour le matériel des entreprises qui coupe et qui débarde le bois.

La filière forêt/bois représente en France environ 400 000 emplois ce qui la positionne devant l’industrie automobile. La forêt est donc au cœur des débats car elle joue un rôle autant économique qu’écologique pour le pays.

5. Les landes et les zones humides 

Les Landes et les zones humides représentent les 12 % restants du territoire. Les landes correspondent aux formations basses qui se développent sur des sols très pauvres ou acides alors que les zones humides correspondent aux étangs, lacs et autres marais. Ces zones, que l’homme a pendant longtemps délaissées car peu productive, insalubres et difficiles à aménager, sont aujourd’hui encore assez mal connues. 

Au fil du temps les biologistes se sont intéressés à ces milieux qui sont de véritables refuges pour les espèces. La plupart des landes et de zones humides sont répertoriées au niveau national et européen. Elles font l’objet de mesures de protections spécifiques. Dans ce cadre les directives des services de l’état sont claires il faut protéger ces espaces autant que possible.

Zones humides
Etangs
Lacs
Marais
Zone humide : étangs, lacs et marais.

Conclusion

L’état des lieux qui vient d’être fait, reprend et décrit la répartition des zones rurales et urbaines, l’expansion des villes, la mécanisation et la nécessité de rendement du monde agricole, la forêt et les zones humides en France, nous permet de comprendre un territoire et son évolution dans le temps. Aujourd’hui, le monde rural, la forêt, les landes et les zones humides sont des espaces devenus stratégiques qui abritent de nombreux enjeux notamment environnementaux. Des mondes qui s’opposent mais qui peuvent aussi se comprendre si on explique leur évolution, leurs impératifs à certaines périodes, les choix qui ont été fait et ceux qu’il faudra faire pour que chacun puisse vivre en bonne intelligence.

Malheureusement pour les acteurs du monde rural, en termes de communication, des individus et des associations à vocation « écologiste » ont su prendre à leur place la parole médiatique. Le lobbying de ces organismes a été tellement efficace que les consommateurs ne se rendent même plus compte qu’ils critiquent les personnes qui ont permis d’affranchir la France de la famine. Certes, les agriculteurs comme les forestiers ont commis des erreurs comme l’utilisation intensive des pesticides ou encore la mise en œuvre trop fréquente de coupes rases. Ces pratiques sont de moins en moins développées et les nouvelles technologies favorisent une rationalisation des pratiques.

Pour combler le fossé entre ces deux franges de la population, il faut avant tout communiquer, expliquer, faire preuve de pédagogie mais aussi d’ouverture d’esprit. Des changements s’opèrent et les pratiques tiennent de plus en plus compte des impératifs environnementaux.

Les problématiques des citadins ne seront jamais celles des ruraux. En effet, un Parisien peut abandonner sa voiture pour ne plus rouler qu’en vélo, ceci est beaucoup plus difficile pour un habitant de Saint-Julien-Chapteuil qui souhaite se rendre au Puy-en-Velay tous les jours.

Pourquoi ne pas se souvenir de ses origines rurales et faire appel au bon sens paysan qui existe en chacun d’entre nous pour faire preuve de modestie et de compréhension ?

Communiquons pour mieux nous comprendre.

Références : INSEE ; AGRESTE

Pub Terrater

Xavier ROUSSEY

Le monde rural et l'environnement sont des secteurs où les enjeux sont immenses.
Entre, préservation des espèces, besoins alimentaires, productivité, rentabilité, attentes écologiques les acteurs ancestraux peinent à trouver leurs places.
Dans ces domaines, où rien n'est tout noir ou tout blanc, tout reste à faire et les possibilités sont infinies !!!

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