Entretien
avec un technicien forestier pas comme les autres….
On ne sait pas quelle profession annoncer en premier quand on veut décrire l’activité d’Antoine Peultier car elle est double ! Il s’avère que ce technicien forestier, photographe d’art est avant tout un passionné. La nature fait en effet l’objet de toutes ses observations et surtout de sa fascination. Forestier de formation, il observe la nature depuis sa plus tendre en enfance au coeur de son département d’origine : la Meurthe et Moselle, plus précisément dans le secteur du Saintois. Une biodiversité remarquable est en effet associée aux massifs forestiers de ce coin de France. C’est à l’âge de 15 ans qu’Antoine découvre la photographie. Aujourd’hui, il consacre un nombre incalculable d’heures à attendre le bon moment pour saisir l’animal sauvage tant attendu !
taG maG a souhaité en savoir un peu plus sur l’homme et sa passion de la photo et des animaux, complémentaire avec son activité de technicien forestier pour l’ONF. A travers le prisme de son objectif et ses qualités d’observation, il nous donne à voir la forêt autrement.
Antoine Peultier, quelle profession exercez-vous en fait ?
Je suis un « double actif » ! J’ai donc une double profession qui me permet d’exercer le métier de technicien forestier pour l’ONF le jour et photographe animalier…plutôt la nuit ou très tôt le matin (rire). Mon secteur d’exercice de ma double activité est le même, à savoir le département de Meurthe et Moselle et plus précisément le pays du Saintois où j’exerce une fonction de gestionnaire forestier, sur les forêts domaniales et communales.
Vous intervenez également sur un aspect « police de l’environnement » ?
Je suis avant tout gestionnaire de forêts : domaniales et communales qui s’étendent sur 1600 hectares. Je travaille en concertation avec l’Office Français de la Biodiversité et les services de gendarmerie pour organiser la surveillance des forêts voir la verbalisation pour les incivilités et actes dangereux pour l’écosystème : dépôts d’ordures, atteinte à l’environnement…..Nous pratiquons un travail qui se concentre avant tout sur la prévention. Je passe 70% de mon temps en forêt, ce qui me permet d’ailleurs d’effectuer des repérages pour mes photos futures.
Pourquoi la photo d’art ?
Je pratique la photo d’art depuis 4 ans même si la photo est un hobby depuis mon adolescence. Petit à petit le professionnel a pris le pas sur l’occupation. Désormais je vends mes photos mais en tirages limités. C’est pour cela que j’ai le titre de photographe d’art. Je ne dépasse pas les 30 exemplaires par photographie ce qui lui confère un caractère unique.
Qu’est-ce que vous aimez photographier en priorité ?
J’aime avant tout observer les mammifères : les cerfs, les chevreuils, les renards, les sangliers. Les prédateurs comme les chats forestiers ou les renards sont des espèces qui m’attirent particulièrement. Je me rends d’ailleurs en Slovénie ou en Italie pour prendre en photo des ours ou bien encore des loups. Mais la France abrite des espèces que j’affectionne comme le lynx dans le Jura. Je suis moins fasciné par les oiseaux, je préfère les mammifères.
En tout cas je sais comment exploiter mon temps de congés, je les passe en forêt !
Pourquoi les oiseaux vous attirent moins ?
La prise de photos pour les oiseaux demande d’autres techniques qui m’intéressent moins, à part les rapaces qui sont plus impressionnants à mes yeux.
Comment procédez-vous ?
Etant donné que je me concentre sur les prédateurs, la prise de vue implique des heures de repérage et de pistage. Une belle photo me demande par exemple entre 8 et 10h de préparation. Je repère en effet les empreintes de passage, je pose des pièges photo (la photo se déclenche avec le mouvement de l’animal), des caméras de chasse. J’observe également aux jumelles.
« Je ne lâche pas ma prise ».
Mon travail de photographe animalier implique des heures d’attente caché. Il m’est arrivé de cumuler 46h d’attente pour prendre un lynx. Cette espèce me fascine, elle est fantomatique et difficile à voir. Nous étions deux à nous relayer !
Mais ce qui est sûr, c’est que je ne lâche pas ma prise.
« Ne pas déranger les animaux »
Mon objectif principal est de me fondre dans l’élément naturel et de ne pas de faire remarquer pour ne surtout pas déranger les animaux. Si il me sent, l’animal s’en va et il risque de s’imprégner de mon odeur ce que je ne veux pas.
Il y a une histoire derrière chaque photo et en même temps, c’est l’instantané qui retranscrit le côté « sauvage » de l’animal.
Quelle espèce préférez-vous ?
Comme je l’ai dit plus haut, il est difficile de voir un lynx. J’en ai vu à deux reprises en 6 ans dans le Jura ! Une première fois 5 mn et la seconde 10 mn. C’était magique dans des conditions où on ne l’attendait pourtant pas. C’était des conditions difficiles mais le souvenir est là !
En Slovénie, j’ai également vu des ours incroyables. Il faut bien sûr faire très attention et ne pas se faire repérer notamment de la mère si elle a des oursons. Mais les accidents sont rares.
Un souvenir ?
Ma plus belle rencontre est celle avec un lynx mais la luminosité n’était pas bonne et donc la photo décevante. Mais le souvenir est prégnant. En revanche, la photo dont je suis le plus fier est celle d’un renardeau pris sur le vif.
Constatez-vous une évolution de comportement des espèces avec le
changement climatique ?
Il est certain que l’on voit davantage de chevreuils, de renards, de chats forestiers. Ils se rapprochent de plus en plus des habitations avec le manque d’eau que l’on a pu constater les mois de sécheresse. Mais dans des périodes de canicule, je sors moins car je ne veux pas ajouter un stress supplémentaire aux animaux.
En ce qui concerne la forêt, elle réagit avec 1 an de décalage, nous verrons donc l’année prochaine les conséquences des mois de canicule de 2022.
Prochain objectif ?
Le brame du cerf à l’automne, je
prends chaque année une à deux semaines de congés exclusivement pour
l’occasion. De belles prises de vue en perspective !
www.antoinepeultier.wixsite.com
antoine.peultier@hotmail.com
Tél : 06 88 68 67 36