Le terreau de la division
Une scission entre deux mondes
Depuis quelques années les tensions sont grandissantes entre citadins et ruraux. Il s’avère que la population française s’est scindée, au fil des décennies, en deux groupes. Un certain nombre d’explications peuvent être avancées. Une d’entre elles est certainement la répartition inégale de l’espace. Les citadins, qui représentent 80 % des individus, occupent environ 10 % du territoire tandis que les ruraux (20 % des individus), utilisent 90 % de la surface disponible.
Ces deux groupes n’ont pas la même vision, la même lecture des « espaces naturels », ce qui est compréhensible aux vues de la concentration de certains et de la jouissance de l’espace dont bénéficient les autres. Pour les premiers la « nature » est un bien commun qui doit être protégée et sanctuarisée. Elle est aussi un lieu de divertissement et de villégiature pour les vacances ou les week-ends. Pour les seconds c’est un lieu de vie. Pour beaucoup, l’espace naturel est un support de travail qui doit fournir des revenus.
Entre citadins et ruraux, un fossé s’est donc creusé. Depuis l’avènement des supermarchés, les relations entre producteurs et consommateurs sont rares. En effet, dans les années 50, même un citadin allait acheter ses fruits, ses légumes ou son morceau de viande sur un marché ou directement chez le producteur et un échange s’opérait. Le producteur pouvait expliquer comment était cultivé ou élevé son produit. Aujourd’hui, le consommateur achète dans un supermarché sans qu’on lui explique comment ce qu’il consomme est produit. Les filières agricoles et forestières ont une responsabilité dans ce manque de communication. Elles sont trop longtemps restées dans l’ombre de la grande distribution, loin des médias.
On ne compte plus le nombre d’agriculteurs agressés dans les champs alors qu’ils travaillaient avec leur pulvérisateur et les reportages à charges d’associations dites « écologistes » vont bon train. La prise de conscience citoyenne sur l’impact environnemental des activités humaines et le manque de communication des acteurs du monde rural sont certainement à l’origine de ces tensions.
L’écologie, au sens large du terme, a pris une réelle place dans les débats publics. Les sujets autour de l’environnement, de la forêt, des énergies fossiles ou de l’agriculture sont au cœur des débats. La divergence des points de vue sur ces sujets très techniques, que les scientifiques, eux-mêmes, ont du mal à expliquer, a donné naissance à de nouvelles communautés : écologistes, zadistes, anti-nucléaire, anti-éolien, végan, anti-productiviste…Avec la crise sanitaire comme terreaux, ce communautarisme de conviction est une menace de plus pour l’unité et le développement de nos territoires.
Dans ce contexte l’aménagement et l’utilisation du territoire deviennent un enjeu majeur. Les 55 millions d’hectares que représente l’hexagone doivent :
- Permettre d’alimenter et de loger une population française en croissance permanente.
- Conserver et protéger les espèces animales et végétales menacées par les modifications climatiques et les activités humaines.
- Soutenir le développement économique des filières agricoles et forestières.
Cet article réalisé par TerrAgree, propose de faire un état des lieux sur la géographie des zones rurales et urbaines en France en passant par les forêts ainsi que les landes et les zones humides afin de comprendre comment s’articule le territoire, son évolution ces dernières décennies ainsi que l’évolution des pratiques et des pensées. L’utilisation du territoire, sa préservation, son exploitation et sa jouissance par les hommes, tels seront les points que nous aborderons ici afin de montrer que rien n’est simple mais surtout que derrière chaque pratique, il y a une économie et des hommes qui la défendent. Il ne s’agit pas de dire ce qui est bien ou mal mais simplement de dire ce qui est.
1. Etat des lieux sur la géographie et la répartition du territoire français.
Le territoire national français représente 55 millions d’hectares. De tout temps l’homme n’a cessé d’aménager son territoire et donc de perturber l’environnement.
Définition du terme « Aménager »
« Aménager » est l’action volontaire d’un groupe, d’organiser l’espace disponible dans le but de répondre à ses besoins. En fonction des époques, les besoins en alimentation, en logement ou en énergie ont évolué et ont façonné le paysage français tel que nous le connaissons.
Organisation du territoire autour de zones économiques
Aujourd’hui encore, en France, comme dans beaucoup de pays développés, la vie économique s’organise autour de quelques zones géographiques. Tout d’abord, depuis la révolution industrielle et les exodes ruraux, les populations, les activités, les administrations et les services se sont concentrés autour de quelques grandes métropoles comme Paris, Lyon, Marseille ou encore Bordeaux. Ces grandes villes, situées au cœur des réseaux de transports, sont très attractives. Parallèlement, grâce au climat et à la maritimisation des échanges commerciaux les zones littorales sont devenues, elles aussi, des espaces dynamiques. Il en va de même pour les secteurs frontaliers qui sont de véritables plateformes d’échanges avec les pays riverains.
Zones rurales
A l’inverse, les régions centrales et les anciennes régions industrielles sont moins vivantes. Dans ces territoires ou l’activité agricole est prédominante les services de proximités ont disparu ou n’ont jamais existé. Le taux de chômage est élevé. Ces espaces sont en pleine mutations et catalysent bon nombre des nouvelles attentes sociétales.
Au cours des dernières décennies cette organisation « centralisée » a eu des effets notables sur les territoires et donc sur l’environnement.
2. L’expansion des villes
Quelques chiffres sur la population française
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, en France métropolitaine, la population est passée de 40 à environ 65 millions d’individus. Soit une augmentation d’environ 60 % en 75 ans.
Ce phénomène est principalement dû au « Babyboom », une surnatalité entre 1946 à 1960 et à l’allongement de la durée de vie. En 75 ans, les hommes et les femmes ont vu leur durée de vie s’allonger d’environ 20 ans. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’immigration ne joue qu’un rôle limité dans cette évolution.
Répartition de la population
En France métropolitaine, en 2020, on compte en moyenne 119 habitants/km2. Néanmoins on note régionalement de fortes disparités. En Ile de France on retrouve 1200 habitants/km2 alors qu’ils ne sont que 58 en Bourgogne-Franche-Comté ou 65 dans le Centre-Val de Loire. Aujourd’hui les citadins représentent entre 70 et 80 % de la population française alors qu’ils n’étaient qu’environ 40 % avant la seconde guerre mondiale.
La population Française métropolitaine est répartie dans environ 36 000 communes. Sur ces 36 000 communes, 41 ont une population supérieure à 100 000 habitants. Les 50 des plus grosses aires urbaines, qui regroupent environ 9000 communes, concentrent environ 38 millions d’âmes. Cela signifie que 25 % des communes concentrent 58 % de la population. En règle générale, on constate que la population des communes périphériques aux grandes agglomérations augmente plus rapidement que dans les agglomérations elles-mêmes. Les néo-citadins ont quitté les campagnes pour chercher des conditions de vie hybride. La proximité avec les commerces, l’emploi et les services sans vouloir se priver d’une vie de famille dans une maison avec un jardin est un atout. Les habitants des hypercentres se sont eux aussi exilés dans les banlieues pour chercher de meilleures conditions de vie et pouvoir envisager l’accès à la propriété.
Prix de l’immobilier
L’évolution du prix de l’immobilier a lui aussi joué un rôle dans l’urbanisation des territoires. En effet, les prix de l’immobilier dans les grands centres urbains ont fortement augmenté depuis les années 2000 limitant l’accès à la propriété aux classes supérieures. Aujourd’hui un appartement à Paris se vend environ 10 000 €/m2 alors que, sur la commune de Meaux, à 40km à l’Est de Paris le m2 se vend entre 2 000 € et 3000 €.
Aménagement du territoire
L’augmentation et la concentration de la densité de population dans les zones périphériques aux grandes métropoles pour les différentes raisons évoquées précédemment a eu des répercutions notable sur l’aménagement du territoire.
Ces deux photographies aériennes de l’Est lyonnais ont été réalisées à une soixantaine d’années d’intervalle. Elles permettent d’étudier, sur un espace défini, l’évolution de l’occupation du sol. Ainsi, sur la photographie de droite, prise dans les années 1950, on constate que, les zones agricoles représentent environ 70 % de la surface, les espaces urbanisé 25 % à 30 % et la forêt moins de 5%. Sur la photographie de gauche, prise en 2019, la tendance s’inverse. Les espaces urbanisés représentent environ 70 % de la surface et es zones agricoles recouvrent 20 à 25 % du territoire. Paradoxalement, la forêt, semble s’être légèrement développée au cours cette période.
La concentration de la population dans les aires urbaines est à l’origine d’une augmentation de l’artificialisation des sols. En effet, entre 1982 et 2020, en France métropolitaine, le taux d’artificialisation des sols a progressé de 63 % passant de 5,2 % à 8,5 % du territoire. Ce phénomène est notamment à l’origine de la disparition et du cloisonnement de certains habitats mais aussi de l’imperméabilisation des sols.
